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Le dépassement des limites du genre que symbolise cette symphonie déclencha chez les contemporains et la postérité un séisme qui donna lieu à d’innombrables tentatives d’interprétation et de récupération. On ne peut que s’étonner, écrivait Debussy dès 1901, que cette oeuvre ne soit pas depuis longtemps enfouie sous la « masse des écrits ». La discussion s’enflamma en priorité, bien sûr, à propos du finale et de l’irruption de la voix humaine dans un genre jusque-là exclusivement instrumental – Beethoven avait osé une rupture de style qui ne suscita pas que l’admiration émue, mais aussi le rejet, parce que soi-disant contestable sur le plan esthétique et destructive de l’unité musicale. Manifestement, Beethoven ne s’est résolu que très tard à ce pas lourd de conséquences – peut-être pour offrir aux trois formidables mouvements précédents une contrepartie et pouvoir enfin les transcender. Les thèmes principaux de ces trois mouvements sont, tels des fantômes du passé, cités au début du finale et brusquement rejetés à travers un récitatif énoncé aux violoncelles et aux contrebasses ; plus tard, le premier chanteur viendra se joindre à leur action de résistance, dans un appel passionné lancé sur mélodie presque identique, mais accompagnée cette fois de paroles : tous les événements vécus jusque-là dans cette symphonie manquaient de joie et doivent donc être réduits au silence. Ni la désolation du premier mouvement ne doit être vécue une seconde fois, ni les démons agités du scherzo ne doivent continuer à semer désordre et vacarme ; même à la beauté nostalgique de l’Adagio, l’accès de l’Elysée est refusé. En revanche, la « mélodie de la Joie », introduite auparavant avec une subtilité incomparable et exaltée par tout l’orchestre, fait son entrée aux voix solistes et au choeur. Suit alors une cantate symphonique, une création gigantesque, composée des éléments les plus hétérogènes, que la simple analyse musicale ne peut appréhender. L’invocation de l’humanité universelle sous un divin firmament, la jubilation collective et le baiser adressé à tout un univers sont un appel moral exprimé dans l’enthousiasme de gestes sublimes – et ils étaient une utopie, pour Beethoven aussi.